Les jeux PC d’objets cachés 
 
Les jeux PC communément appelés « objets cachés » ou plutôt « jeux occasionnels » si l’on se base sur l’anglais « casual games » et sur leur nature hétéroclite, sont en réalité des « point & clic » ponctués de casse-têtes et de tableaux d'objets cachés, le tout lié par une trame narrative. 
 
Le scénario est relativement basique. Le but consiste généralement à retrouver une personne disparue ou à conjurer une malédiction. Une force démoniaque se dresse presque toujours entre vous et votre objectif. L'usage du surnaturel est largement répandu, ce qui apporte du dépaysement au principe. 
 
Du côté des graphismes, la qualité est aussi variée que les styles. Avec de la chance, les programmeurs auront effectué un gros travail de précision et de cohérence. Des approximations persistent, même dans les titres les plus aboutis. Cependant, certains ne s'embêtent pas avec ce genre de considérations et les multiplient sans vergogne, surtout les versions dessinées. 
Les enchaînements, c'est-à-dire la fidélité d'un décor à l'autre, affichent alors des différences notables. Parfois, un changement du graphisme précédent ou distant, suite à une action comme l'ouverture d'un passage ou le déplacement d'un objet, n'est pas pris en compte, donc pas prévu à l'origine.  
Certaines perspectives laissent simplement perplexe. Dans un souci d'originalité et de dynamisme, l'artiste adopte un angle de vue particulier, impliquant un travail de profondeur complexe à rendre. Certes, le résultat est sympathique. Néanmoins, une passerelle mobile peut se poser tantôt au niveau du garde-corps, tantôt de travers. Tout dépend de l'éloignement. Pourtant, l'œil détecte le problème, le défaut le gêne dans son appréhension du dessin, mais personne n'a jugé bon de le corriger. 
Les plans n'ont pas forcément de logique géographique. Je peux me trouver au bord d'un canal, monter un escalier, et parvenir… sur un quai face à la mer, quand l'un et l'autre devraient nécessairement se situer au même niveau. Je vous épargne les changements de luminosité qui simulent un temps maussade ou une atmosphère nocturne puis un soleil éclatant au prochain déplacement.

Si votre regard explore la zone qui s'offre à vous, vous remarquerez que les graphismes ne sont pas égaux dans le soin apporté à leur élaboration. L’espace central fait l’objet d’une attention particulière, au contraire des bords et des coins de l’écran. Souvent, la partie externe a été rapidement exécutée, voire bâclée. Idem pour les environnements de fond. 
Quelques animations viennent égayer l'immobilisme des lieux. La plus basique s’en tient à une image fixe qui apparaît ou glisse devant vous, simulant un mouvement. Quand l’elle d’elles s’anime enfin, elle est saccadée, la faute à un nombre limité d’images par seconde. Cependant, d’autres jeux font l’effort d’afficher de vraies animations, pour peu qu’ils y investissent quelques moyens. Les tableaux d’objets cachés sont également susceptibles d’en contenir. Bien entendu, elles ne sont pas nombreuses, car une présence trop importante gênerait leur lecture et notre recherche. Néanmoins, elles donnent de la vie et du réalisme. 
 
Personnellement, j’aime bien le principe des tableaux d’objets cachés, évidemment à petite dose. Ils forment le cœur de ces jeux. Certains d’entre eux les réutilisent jusqu’à la nausée. Une répétition de deux à trois fois le même cadre est suffisante, à condition qu’ils soient entrecoupés d’autres énigmes. Sinon, vous aurez tôt fait de vous souvenir de l’emplacement d’objets dont la présence à tel ou tel endroit vous auront marqué. Généralement, le nom est affiché dans le bandeau inférieur. Une couleur différente indique que le joueur doit d’abord déplacer ou ouvrir ou même agir avec un élément du tableau ou de l’inventaire pour découvrir l’objet recherché. D’autres jeux préfèrent les formes, les assemblages ou la suppression. 
Les objets sont correctement incrustés dans leur environnement et les concepteurs n’hésitent pas à adapter leur couleur au fond, à les présenter sous un angle inhabituel ou à introduire une lumière gênante pour vous compliquer la tâche. Dans cette optique, la solution de facilité se résume à des visuels sombres aux teintes fades, avec des objets éloignés, donc petits. Les meilleurs tableaux sont ceux qui rassemblent un indescriptible, mais lisible et détaillé, fatras, et de ceux qui s’imposent un thème en rapport avec les objets recherchés. Pour corser le défi, certains d'entre eux ne sont accessibles que grâce à des interactions, comme d’ouvrir une trappe ou de le dessiner, ou par le biais d’outils de votre propre inventaire. 
Le vocabulaire peut aussi s'avérer un obstacle, surtout lorsqu’il n’est pas précis. La langue française comporte beaucoup d’autonomie, et vous aurez tôt fait de perdre du temps à chercher une balle ronde alors qu’il s’agit d’une balle de fusil. Néanmoins, le descriptif joue de cette ambivalence, et un objet pourra être représenté tantôt par sa version ancienne tantôt par son pendant récent. 
Le ratio doit être correct. Chaque tableau contient un nombre lambda d’objets avec des graphismes généralement satisfaisants et parfois animés. Normalement, si vous mitraillez la zone, votre curseur disparaît pour quelques secondes pénalités. Mais lorsque le nombre d’éléments à trouver est important par rapport au nombre d’éléments affichés, il vous suffira de cliquer sur ceux-ci l’un après l’autre pour en éliminer les trois quarts sans être suspendu. L’autre problème, en cas de profusion, consiste à mémoriser la liste pour ne pas parcourir à chaque fois le tableau. Bien entendu, ce système amène à les rentabiliser, puisque le joueur y passera davantage de temps, surtout quand de nouveaux objets apparaissent à la place de ceux que vous avez déjà pointés. 
Ces tableaux sont accessibles selon les impératifs de l’aventure, ou pas. Par exemple, vous avez besoin d’un marteau. La zone, éteinte lors d’un précédent passage, s’allume lorsque vous revenez, et vous permet de trouver l’objet nécessaire à votre progression. Cette organisation vous impose parfois de retourner en arrière alors que vous pensez qu’un objet de votre inventaire peut résoudre votre problème. À l’inverse, on vous propose parfois de rechercher l’objet avant d’en avoir besoin, ce qui pose la question des soucis de logique propres au « point & click ». 
 
À vrai dire, je suis plutôt allergique aux « point & click ». La résolution des énigmes est souvent capilotractée (ou tirée par les cheveux). Il paraît qu’à une époque, c’était un sport que d’élaborer les cheminements les plus tordus pour progresser. La méthode peut vous amuser. De mon côté, je ne suis pas convaincu, ni masochiste. 
Tout d’abord, vous devez trouver dans l’image la zone cliquable. Si vous passez à côté, vous risquez de tourner un moment en rond car l’absence d’un seul objet vous bloquera. Tous sont indispensables, comme les pièces d’un vaste puzzle. Il n’y a pas deux possibilités parallèles mais un cheminement imposé. Heureusement que le système d’indices vous épargne ce genre de blocage. L’aide est toujours présente et plus ou moins généreuse. Elle vous sera utile pour vous remettre sur le bon chemin, ce qui vous amènera à remplir votre mission sans être définitivement coincé. Sa fréquence d’utilisation dépend d’un temps de rechargement et de votre taux d’amour-propre. Le jeu vous propose à chaque casse-tête, passé un délai, de le passer. Ce coup de pouce se révèle bien pratique lorsque vous vous sentez proche de la crise de nerfs. On vous offre parfois selon le concept un bonus ou un trophée si vous réussissez une épreuve par vos propres moyens, mais cela n’est pas systématique et vous pourrez en abuser. 
Toutefois, les concepteurs aiment nous faire exécuter gratuitement des allers-retours, ne serait-ce que pour rentabiliser les lieux visités et ajouter de la durée de vie. Conséquence de cette organisation, vous trouverez des objets dans tous les sens, sans beaucoup de logique, par exemple un morceau de clef à l’autre bout de la carte sans comprendre comment elle est parvenue là. 
Vous vous procurerez également des outils banals et modernes comme un marteau ou un pied de biche dans des coffres antiques. Vous vous donnerez parallèlement bien du mal pour atteindre un morceau de clef caché au fond d’une boîte elle-même accessible grâce à un machin ou un truc, quand l’autre morceau traîne sur une étagère. 
Le jeu vous fera jeter à tort un objet dont vous vous serez servi, mais qui s’avère en réalité utile en toute circonstance, comme un couteau ou une pioche. Bien sûr, telle action nécessite un objet en particulier, même si un autre aurait pu vous amener à réussir. Le problème n’est pas une question d’encombrement puisque vous pourrez porter un bloc de pierre ou un corps humain sans être ralenti. Vous serez d’ailleurs surpris de parvenir à emporter une marmite brûlante remplie de métal fondu. Pire encore : des actions normalement faisables à mains nues, comme ouvrir un carton vous imposeront néanmoins d'employer une lame. 
Certains objets sont inaccessibles mais le seraient sans difficulté dans le monde réel. Pour ceux situés trop haut, il suffirait de déplacer le meuble à côté et de monter dessus. En revanche, il arrive que vous puissiez accéder à un interrupteur ou prendre quelque chose de haut perché juste parce que le programme l’a prévu ainsi. Cela dit, une toile d’araignée peut vous bloquer si vous n’avez pas le balai pour la retirer, ce qui vous paraîtra exagéré. Tout dépend de l’état d’esprit des concepteurs, s’ils avaient ou non envisagé telle ou telle éventualité. 
Les jeux ne traitent pas non plus les actions pareillement. La plupart vous épargnent de tourner la clef dans la serrure, d’autres cependant vous y astreignent. Ceux-là mêmes vous obligent à tout un tas de manipulations pour pas grand-chose, quand d’autres optent pour un automatisme moins fastidieux. Il n’est pas non plus exclu que, proche de parvenir au lieu tant convoité, un feu ou un éboulement vous contraigne à un petit détour, trois objets à ramasser et quelques minutes afin de vous débarrasser de l’obstacle. 
Les mécanismes de verrouillages s’en tiennent souvent à un creux quelconque – œil ou bouche de statue, gravure dans la pierre, trou dans une paroi – qu’il suffit de combler avec l’objet adéquat. Comment se déclenche le système sans électricité ni informatique ? En dehors de toute intervention magique, seul l’exercice d’une pression déterminée conduira à la mise en branle de l’ouverture. À l’endroit où placer une gemme, votre pouce ferait finalement l’affaire, d’autant que l’engrenage n’est pas d’une précision atomique, qu’il ne mesure pas la force exercée au gramme près. 
Je garde le meilleur pour la fin des aberrations du « point & click » : la complexité des serrures. Quand le jeu ne vous impose pas simplement de dénicher une clef ou une poignée, vous devez résoudre un casse-tête pour entrer. Je peux comprendre la nécessité d’un tel dispositif afin de limiter l’accès à une salle spéciale et secrète. Mais quel est l’intérêt dans un manoir ? J’imagine mal quelqu’un devoir venir à bout d'un puzzle, même simple, chaque fois qu’il se rend dans son salon. 
 
J’en arrive à la dernière partie de ce type de jeux : le casse-tête. Contrairement aux tableaux d’objets cachés, ils se déclenchent de façon voulue, non aléatoire, le plus souvent par l’insertion d’un élément manquant. 
Il reprendra une version connue mais adaptée au contexte, comme le sudoku. Ou alors, il s’agira d’une énigme plus ou moins créée spécialement par les concepteurs. Dans ce cas, sauf éclair de génie, la résolution de ces casse-têtes est très facile, à condition d’avoir compris l’explication qui les accompagne. En fait, vous pouvez tomber sur un concept super compliqué au premier abord dont vous viendrez à bout super rapidement. 
Pour les autres, plus techniques, votre réussite dépendra de votre faculté à déplacer les pièces de la façon dont vous l’aurez décidé, par exemple des carreaux dans un parterre où ne subsiste qu’un unique vide. Le système sera complexifié selon les exigences du jeu (ainsi, certains carreaux sont identiques et seuls quelques tuyaux sont à positionner) ou le dessin (une image lumineuse et nette sera plus aisée à appréhender que quelque chose de fouillis et d’uni). Toutefois, dans l’absolu, l’exercice consiste principalement à plier votre cerveau à une logique propre à chaque casse-tête, et la difficulté vient de leur enchaînement qui nécessite chaque fois de s’adapter. 
Vous aurez parfois besoin d’un code. L’énigme n’est dans ce cas pas difficile à résoudre puisque vous vous en tiendrez à réinscrire ses signes ou à reproduire un ordre. Cependant, la chose se corse dès lors que le jeu n’affiche pas ce code à proximité de l’énigme, vous imposant de naviguer à plusieurs reprises entre votre carnet de bord et la serrure. 
 
En conclusion, les jeux PC dits d’objets cachés rassemblent du « point & click », des casse-têtes et des tableaux d’objets cachés. Leur qualité est diverse, du passable bien moche au satisfaisant avec un véritable effort sur la réalisation. L’un d’eux m’a même proposé un excellent combat d’objets cachés contre la méchante sorcière. Ces programmes semblent cependant se copier les uns les autres tant leur structure est répétitive malgré une absence de crescendo. Certes, la rapidité de résolution d’un problème est propre au raisonnement et à l’expérience de chacun d’entre nous, mais la difficulté n’est jamais croissante. Les énigmes du début ne seront pas forcément plus faciles que les suivantes, et inversement. 
Le scénario n’est guère recherché, et pas toujours cohérent. Le fil logique dérape systématiquement à un moment donné (ou le problème vient de moi, qui sait ?). Le concept est distrayant, mais finit par lasser, surtout si l’on croise quelques jeux mal fichus. Des concepteurs font l’effort de sortir un produit correct, mais pas beaucoup. Dans ce cas, la réalisation prête parfois à sourire tant elle est surannée ou bourrée d’approximations. Ces jeux PC sont surtout vite conçus, vite parcourus, et finalement, vite oubliés. N’est-ce pas là en définitive leur raison d’être ? 

Publié par Alexandre BORDZAKIAN le 6 juin 2018
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