La série Dark Souls

J'ai abordé la série Dark Souls avec le personnage du magicien, et en me convainquant que, finalement, pour un habitué des jeux d'action, trois ennemis pas vraiment frais à défaire, dont un perché sur un escalier, ce serait réglé en deux temps trois mouvements. Six décès prématurés plus tard, je n'avais toujours pas réussi à grimper sur cette foutue hauteur, ce qui m'obligea à revoir ma stratégie et à considérer cette série comme un défi sérieux. Chose rare dans le domaine : le joueur doit réfléchir, mesurer ses attaques et anticiper celle de ses adversaires, et ne pas se contenter de frapper bêtement. La moindre erreur d'appréciation – un coup porté trop tôt ou une parade ratée – peut être fatale.
 
Heureusement, le système de jeu est à la hauteur du défi. Si le personnage est plutôt lourd, il bénéficie d'une liberté conséquente et efficace dans le choix de son équipement : arme d'estoc ou de taille, de jet, de tir, armure plus ou moins encombrante, etc… La jauge de vie se double d'une jauge d'endurance qui vous permet de bloquer, d'esquiver ou de frapper sans malus ou sans interruption. Mais une fois vide, vous êtes à la merci de votre ennemi. La jauge de magie s'épuise quant à elle à mesure que vous en usez. Le maniement du personnage a gagné en souplesse au fil des versions, et le numéro 3 offre désormais une réactivité bien plus axée vers l'offensive que le numéro un où seule une attitude défensive était salutaire.
Cette règle est cependant à nuancer pour les gros monstres. Devant un machin de quatre fois votre taille, mieux vaut lui laisser l'initiative, esquiver ou bloquer, puis placer votre coup. De toute façon, le jeu n'autorise pas un autre fonctionnement. Le but consiste à perdre le moins de vie possible à chacune de ses attaques et à parvenir à le blesser. D'où l'obligation de maîtriser toutes ses variantes offensives, qui s'enchaînent d'une manière anarchique et bien souvent vicieuse.



 Car la série Dark Souls est vicieuse. Les niveaux, tortueux à souhait, même s'ils gagnent en linéarité avec chaque nouvel opus, offrent toute sorte de pièges et d'embuscades qui ne manqueront pas de vous surprendre. Vous êtes immortel, certes, mais en cas de décès, vous revenez à un feu qui, en sus de recharger votre santé et vos fioles de vie, régénère tous les ennemis (sauf dans le 2 où certains finissent par disparaître définitivement pour vous faciliter l'existence). Des raccourcis ont cependant été prévus pour les atteindre, lorsque vous avez bouclé une zone définie. 
À force de se faire écharper en traître, le joueur arrive à anticiper la position des ennemis. Ce côté vicieux, s'il est amusant et souvent bien pensé, peut fatiguer à la longue. En revanche, les situations qui requièrent un sens stratégique aiguisé sont beaucoup plus intéressantes. Combattre dans un couloir, attaquer une hauteur, demanderont de votre part des trésors d'inventivité, d'autant qu'une confrontation réussie peut rater malgré un angle d'approche identique. Seul bémol : si la configuration du duel est parfaitement gérée, la jouabilité n'est pas adaptée aux affrontements groupés. Si votre personnage veut frapper un adversaire ciblé alors qu'un second immédiatement derrière lance son attaque, celui-ci vous touchera et interrompra votre mouvement. De même, quand vous vous frottez à un gardien de zone dans une arène fermée, vous pouvez vous faire aider d'un allié. Or, si le combat à un contre un est millimétré selon les règles évoquées plus haut, à plusieurs, cela se transforme en vrai foutoir.
 
Hormis le système de jeu, Dark Souls est servi par une ambiance de Dark Fantasy époustouflante. Il est très agréable de parcourir et surtout de découvrir en bas d'un petit escalier pentu ces lieux variés, sombres, glauques, inquiétants, souvent majestueux, ou au contraire oppressants. Quel plaisir de s'enfoncer toujours plus encore dans les profondeurs pour finalement affronter le maître des ténèbres !
Dark Souls 3 est tout simplement magnifique. Le numéro 1 est beau du moment où l'on joue sur un petit écran. Le numéro 2 est relativement moche sur un écran HD. Le temps est passé par là, en effet, mais force est de constater que les arrières plans sont complètement ratés alors que l'environnement jouable souffre d'une conception médiocre tant au niveau des textures que des formes.
Cela dit, les secrets foisonnent, et vous donneront généralement du fil à retordre. Une armure, une arme, un objet, un sort évolué se méritent. Si le cheminement principal est plutôt évident et ne nécessite pas de vous creuser les méninges, trouver un trésor s'avère la plupart du temps tordu. De nombreux passages ou astuces vous faciliteront la vie, qu'il vous faudra impérativement dénicher si vous ne voulez pas par exemple monter un escalier tout en essuyant des salves de tirs magiques.
En revanche, le scénario est quasiment inexistant, ce qui n'est pas un défaut en soi. Le joueur attend d'un jeu d'action teinté de jeu de rôles qui le divertit. Et les Dark Souls remplissent parfaitement leur objectif. Cependant, dans le numéro 1, si le joueur comprend en gros que le monde est divisé entre la lumière et la chaleur du feu d'un côté et l'obscurité et la froideur des ténèbres de l'autre, que les dragons ont été défaits par des seigneurs qu'il faudra à notre tour tuer, il sera plutôt largué. Cette part de mystère est agréable mais le voile ne se lèvera jamais complètement. Et les quelques personnages rencontrés ne nous renseigneront pas davantage. J'ai d'ailleurs vite perdu leur trace pour parfois les retrouver. J'ai déduit à leur attitude qu'une quête leur était attachée que je ne parvenais pourtant pas à suivre. Le joueur doit en outre effectuer des choix, sans trop saisir la finalité de ceux-ci ni le monde dans lequel il évolue, alors que celui-ci est très touffu. Dark Souls 3 se veut plus explicite mais la trame s'avère en définitive tout aussi floue, surtout dans la relation avec les autres personnages. Cette compréhension ne gêne cependant pas la progression de notre héros qui se rend où il le souhaite du moment où il taille sa route à coups d'épée.

 

 Au-delà de l'intelligence des ennemis, de leur nombre et de leur résistance, la difficulté tient, comme dans tout jeu de rôles, à deux facteurs : votre niveau et votre classe. Plus vous engrangez de points d'expérience, plus votre niveau est élevé, plus vos caractéristiques augmentent, plus vous êtes fort et endurant. Un adversaire que vous tuez en un coup sera toujours moins gênant que celui-ci qui en nécessitera trois. Et vous vaincrez plus aisément un gardien de zone en dix attaques qu'en trente, même en connaissant ses attaques par cœur. 
Votre classe de personnage est également déterminante. Un magicien ou un voleur, faible au corps-à-corps, peu endurant, lent à tirer, incapable de porter des armures ou des boucliers lourds, sera plus difficile à manier qu'un guerrier, lequel montera plus vite en niveau et mourra moins souvent. Rien ne vous interdit cependant de foncer jusqu'au prochain feu en esquivant les affrontements puisque, de toute manière, les ennemis reviendront à la vie. 
Le jeu invite aussi le joueur à manier deux armes mais l'utilisation d'un bouclier est indispensable si vous ne voulez pas encaisser trop de coups, surtout contre les plus imposants spécimens. Un bouclier permet de contre-attaquer si la jauge d'endurance n'est pas réduite à zéro, et surtout de bloquer une frappe qui n'était pas censée vous toucher. Car toute garde brisée vous expose à une seconde, puis une troisième, et une quatrième blessure, qui vident votre vitalité et vous obligent à boire une fiole. Le jeu, et notamment le numéro 2, nous incite aussi à changer d'arme régulièrement. Mais celle que nous choisissons est généralement le meilleur compromis entre notre force et son efficacité. La liberté est donc totale mais certaines associations s'imposent rapidement au joueur.
 
En définitive, et malgré quelques défauts qu'éclipsent de grandes qualités, les Dark Souls constituent une série de haute volée, sur le plan ludique comme sur le plan intellectuel. Ils vous entraînent dans un terrifiant voyage qui ne vous laissera pas de marbre.

Publié par Alexandre BORDZAKIAN le 15 mars 2017
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